Le JEU
en EHPAD
Comment réenchanter le quotidien des patients en EPHAD par le jeu ?
David Guerreiro Rodrigues 3DNMADe Numérique
INTRODUCTION

Les EHPAD sont des lieux pour des résidents âgés de 65 ans et plus, qui proposent plusieurs types de services : restauration, soins, animations et hôtellerie. L’objectif est d’accompagner les personnes fragiles et vulnérables afin de préserver leur autonomie de mouvement et de réflexion.
L’un des défis majeurs des EHPAD est de créer une atmosphère positive, en écartant les pensées moroses qui peuvent envahir les patients, pour qu’ils se sentent à l’aise au sein de l’établissement. Pour cela on peut compter sur l’ensemble du personnel (animateurs & aides-soignants) qui œuvrent au service des résidents. Ils jouent un rôle essentiel dans la contribution au réenchantement de leur quotidien, une notion philosophique qui vise à réintroduire des éléments de sens, de mystère et de connexion spirituelle dans la vie des résidents, même dans un contexte de soins et de vieillesse.
Le réenchantement cherche à redonner une dimension plus riche et significative à leur existence, en reconnaissant l’importance de la spiritualité, de la connexion à la nature et de la recherche de sens, afin de favoriser une expérience plus épanouissante au sein de l’établissement. Le jeu est une expression ludique et créative, un véhicule d’évasion et de connexion, capable de transcender les barrières pour offrir des moments enrichissants et joyeux.
Dans les EHPAD, le jeu contribue à réenchanter le quotidien des résidents, même si l’essentiel des activités ludiques restent limitées aux jeux de société classiques : loto, scrabble, ramy. Cela nous pousse à explorer la manière dont une approche pédagogique ludique peut apporter une transformation significative à la vie en EHPAD. Des animateurs tels que Joël Kruisselbrink à Rotterdam ont par exemple imaginé des activités ludiques sur mesure, adaptées aux besoins spécifiques des patients en fonction de leurs pathologies. Ils parviennent à instaurer un environnement propice au jeu même pour les résidents alités, favorisant ainsi le maintien des liens sociaux et la création de nouvelles connexions.
Au travers de cette enquête nous nous pencherons sur les différentes pathologies couramment observées en EHPAD. Mis en contradiction avec la notion de réenchantement, nous verrons les différentes stratégies mises en œuvre pour encourager la socialisation. Enfin, nous explorerons la dimension ludique à travers l’introduction des jeux au sein des EHPAD.


PATHOLOGIES
Les EHPAD sont des lieux d’accueil pour des résidents venant de divers horizons et ayant atteint un âge avancé. Le personnel doit donc constamment s’adapter aux besoins individuels de chaque résident.
Il est important de noter que ces établissements ne bénéficient pas d’une image favorable, car selon une enquête réalisée par Odoxa, 68% des Français appréhendent l’idée d’y séjourner. Cette perception met en lumière la question du consentement, étant donné qu’une étude publiée dans le Cairn indique que seulement 14% des résidents ont choisi volontairement d’intégrer un établissement spécialisé.
La plupart des résidents en EHPAD souffrent de dégénérescence, que ce soit sur le plan psychologique ou physique. Les maladies neurodégénératives et les pathologies psychiatriques, telles qu’Alzheimer, Parkinson et les troubles anxieux généralisés, sont particulièrement prévalentes dans ces établissements. J’ai choisi de me concentrer sur ces deux maladies neurodégénératives, car elles sont parmi les plus fréquentes en EHPAD, ce qui permettrait d’atteindre un grand nombre de résidents. En ce qui concerne les troubles anxieux généralisés, ils se prêtent bien à la réflexion sur la notion de désenchantement, c’est pourquoi j’ai décidé d’approfondir mes recherches à ce sujet.
Quant aux solutions déjà existantes pour ralentir la progression de ces maladies, il est recommandé d’encourager les activités sportives pour les patients atteints de la maladie de Parkinson. En ce qui concerne Alzheimer, il est suggéré de stimuler le cerveau par le biais de jeux cognitifs et de prendre soin du corps sur le plan physique, notamment en favorisant une alimentation équilibrée et la pratique de la marche à pied. Le trouble anxieux généralisé peut être traité par des thérapies comportementales et cognitives.

RÉENCHANTEMENT

Le concept de réenchantement du monde, intimement lié à la philosophie de la modernité selon Max Weber, souligne la perte de sens et de magie dans la société contemporaine, où la rationalisation, la science, et la bureaucratisation ont graduellement banni les croyances et les mythes au second plan. La rationalisation caractérise notre époque, où la quête incessante de réponses à tout entraîne la perte de la dimension imaginaire et poétique dans notre société. Ce processus, favorisant la logique et l’efficacité, relègue les aspects traditionnels et symboliques au en retrait. La technologie a pris une place prépondérante dans nos vies, contribuant ainsi à l’amenuisement de la spontanéité et de la naïveté dans notre quotidien. Max Weber a également souligné que la modernité était marquée par la sécularisation, c’est-à-dire le déclin de l’influence de la religion dans la vie quotidienne. Dans notre société contemporaine, la religion continue de perdre du terrain au profit de la laïcité et de la diversité des croyances, ce qui peut renforcer la perception d’un monde désenchanté pour certains.
De plus, à mesure que nous vieillissons, la joie de vivre tend à s’estomper, en particulier dans des environnements qui peuvent sembler sombres, tels que les EHPAD. Dans notre société, les personnes dépendantes sont souvent perçues comme des poids nécessitant une surveillance constante. Cependant, au sein des EHPAD, mettre en avant l’aspect humain et l’expérience de vie des résidents peut contribuer au réenchantement. La perte d’autonomie et de dignité peut créer un désenchantement dans la vie quotidienne des patients. À l’inverse, l’assistance peut être vue comme un réenchantement, où les aides-soignants prennent soin des résidents dans tous les aspects de leur vie, veillant à ce qu’ils se sentent respectés en tout temps.
Les EHPAD ne favorise pas systématiquement l’imaginaire des résidents et la créativité du personnel, ni les dimensions féeriques ou magiques. Ainsi, les EHPAD semblent s’inscrire dans un contexte de désenchantement.
Pour ramener du réenchantement dans les EHPAD, il pourrait être pertinent de promouvoir des espaces, des temps plus spontanés et féeriques dans ces lieux. De plus, la créativité peut s’avérer un moyen efficace d’aider les patients atteints d’Alzheimer, notamment par la prise de photos et la visualisation d’images pour évoquer des souvenirs. Elle peut également être bénéfique pour les patients souffrant de troubles anxieux généralisés, en contribuant à la réduction de leur stress. De même, la créativité peut s’exprimer à travers les gestes, ce qui la rend idéale pour les résidents atteints de la maladie de Parkinson.




SOCIALISATION
Dans les EHPAD, le tissage du lien social s’opère généralement au travers d’activités ludiques. Chaque établissement réserve des moments spécifiques pour le jeu, qui, pour la plupart, demeurent des jeux traditionnels.
Voici les opportunités et les contrainte que j’ai relevé lors de mes recherches sur les EHPAD.
OPPORTUNITÉES
ludique, sport doux, s’incorporer dans un espace déjà existant, utilisation des sens, incitation à créer du lien social, confrontation des individus, low tech
POSTURE À AVOIR
être patients, être à l’écoute, s’adapter au rythme de chacun, accompagner chaque résidents.
ATTENTION
ne pas les infantilisé, les approches thérapeutique non médicamenteuse ne sont pas parfaite, ne pas brusquer les résidents
FREINS
Inimitié des résidents, résidents pas coopératif, Budget, fermeture d’esprit du personnel
Un des problèmes visible avec les jeux de société est que les résidents ont tendance à se regrouper avec les mêmes personnes.
Le lien social peut également prendre forme lors des repas, un moment qui revêt une grande importance dans la vie de chacun, comme le souligne une étude publiée dans le Cairn. Cela devient d’autant plus crucial lorsque les résidents ont des interactions sociales limitées.
L’interaction sociale peut également être encouragée par des intervenants extérieurs, notamment des animateurs dont la mission est de réenchanter le quotidien des patients. Toutefois, les résidents expriment un désir de nouveauté dans le domaine des animations, en souhaitant des activités inhabituelles telles que des repas déguisés ou des ateliers de cuisine, qui demeurent plutôt rares.
Certains EHPAD disposent d’animateurs à temps plein chargés d’organiser des activités favorisant l’interaction sociale entre les résidents. Cependant, il est fréquent de constater un manque de personnel et l’absence d’animateurs. Lors d’une conversation avec un employé d’un EHPAD à Marseille, j’ai pu constater que les aides-soignants étaient parfois amenés à prendre en charge des activités pour les patients.

JEU & EHPAD

Dans les EHPAD, la façon de jouer demeure essentiellement la même, axée sur les jeux de société. Les résidents de certains établissements sont souvent contraints de répéter les mêmes activités sans réel changement.
On y retrouve des jeux qui s’appuient sur des mécaniques plutôt simples, tels que le scrabble, le rami ou encore le loto. Malheureusement, il n’existe pas de jeu de société spécialement conçu pour répondre aux besoins individuels des résidents dans un cadre ludique. Certains établissements s’efforcent tout de même d’incorporer des activités physiques, des jeux d’adresse ou des exercices de mobilité, mais cela demeure loin d’être la norme.
Prenons le cas de Joël Kruisselbrink : animateur spécialisé dans l’enseignement du mouvement. Sa méthode se caractérise par son approche inclusive et son utilisation de moyens peu coûteux, voire gratuits, pour créer des jeux. Il veille à intégrer tous les patients, y compris ceux qui ne peuvent pas se déplacer, en amenant les jeux à eux plutôt que de les obliger à se déplacer. Il adapte la difficulté des jeux à chaque patient et propose plusieurs domaines d’activités pour mettre en mouvement leur corps. Contrairement à d’autres formes d’animation, où les patients doivent attendre leur tour pour jouer, dans son approche, cela ne se produit pas. De plus, l’interview révèle que les patients sont également encouragés à participer à des activités « classiques », comme le golf. Les patients apprécient de s’engager dans des activités inhabituelles et de revisiter des activités passées, ce qui contribue à leur bonheur.


CONCLUSION
Les EHPAD représentent des lieux qui offrent un potentiel favorable aux jeux et au réenchantement, pour peu que les moyens nécessaires soient mis en place. Bien que certaines solutions existent, elles ne sont pas toujours mises en œuvre, souvent en raison d’un manque de moyens budgétaire ou humain, au détriment du bien être des résidents. Les pathologies présentent en EHPAD devrait par ailleurs être pris en compte lors de moments de jeu afin d’améliorer l’état physique et psychologique des patients.
Des initiatives simples, comme celles présentées par Joel Kruisselbrink, démontrent qu’il est possible d’obtenir des résultats concluants avec des moyens limités.
Lors de la conception de mon projet, je choisirai d’explorer le jeu pour faire travailler la socialisation ou le mouvement, dans le but de contribuer à l’amélioration du quotidien des résidents.

REMERCIEMENTS
Je tiens à exprimer ma profonde gratitude envers mon tuteur d’enquête, Nicolas GUICHARD, pour son encadrement précieux et ses conseils avisés. Mes remerciements sincères vont également à Kevin VINNITTI, David HÉRITIER et Mahé CHEMELLE, dont les orientations ont éclairé ma réflexion. Je tiens également à remercier la maison de retraitre les pivoles à la Verpilliere et l’EHPAD Horizon bleu à Marseille. J’ai pus avoir réponses à mes questions et mieux comprendre le quotidien des patients et du personnel.
Un immense merci à mes proches et amis qui m’ont motivé tout au long de cette enquête. Leur soutien inconditionnel et leurs encouragements ont été une source précieuse d’inspiration.
À tous ces intervenants, mes remerciements, mon respect et ma gratitude les plus sincères.
ABSTRACT
Nursing homes welcome elderly residents from various backgrounds, and the staff must constantly adapt to their individual needs. However, an Odoxa survey reveals that 68% of French people are apprehensive about the idea of staying there, highlighting the issue of consent. Only 14% of residents have voluntarily chosen to join a specialized facility, according to a Cairn study.
Most residents suffer from physical or psychological degeneration, especially from neurodegenerative diseases such as Alzheimer’s and Parkinson’s. Existing solutions include sports activities for Parkinson’s disease and cognitive games for Alzheimer’s. Generalized anxiety disorders can be treated with cognitive-behavioral therapy (CBT).
Opportunities include playful approaches, gentle sports, creating social bonds, and activities that promote interaction. However, obstacles such as uncooperative residents and budget constraints are present. It is crucial not to infantilize residents and to adopt a patient approach.
Social bonds often form through playful activities, although board games can lead to residents grouping together. Meals and external interventions are also key moments for fostering social interaction.
The concept of « re-enchantment of the world, » opposed to modern disenchantment, is linked to the loss of meaning and magic. Nursing home often appear entrenched in a context of disenchantment, emphasizing the need to adopt creative and unconventional approaches.
Despite the prevalence of traditional board games in nursing home, many are not tailored to the individual needs of residents. Inclusive initiatives, such as Joel Kruisselbrink’s, demonstrate that it is possible to achieve positive outcomes with limited means. Incorporating personalized activities, like board games designed for specific resident needs, can further enhance the overall well-being of residents.
In designing my project, I will explore possibilities such as a board game or movement-based activities to contribute to improving the daily lives of residents.
BIBLIOGRAPHIE / WEBOGRAPHIE
- Créativité et santé psychologique John M. Shlien, Marie-Hélène d’Arifat,
Françoise Ducroux-Biass Dans Approche Centrée sur la Personne.
Pratique et recherche 2008/2 (n° 8), pages 74 à 87
- Max Weber et Rudolf Otto, Le desenchantement du monde, Gallimard, 2005, 480p.
- Créativité et santé psychologique John M. Shlien, Marie-Hélène d’Arifat,
Françoise Ducroux-Biass Dans Approche Centrée sur la Personne.
Pratique et recherche 2008/2 (n° 8), pages 74 à 87
ANNEXES
- Le web napperon – Erasme
- La chromothérapie en EHPAD – Soignante en EHPAD
- Reportage de « Documentaire société »
- Article « La fin d’une année de solitude pour les pensionnaires des Ehpad »
- Article « Une journée de réflexion sur l’EHPAD »
- Article de blog de « Résidences EHPAD »
- Reportage : « On est allés en boîte de nuit avec les résidents d’un Ehpad »
- LNA santé
- iStock
- Reportage de « Documentaire société »
- Article « Comment stimuler la mémoire des personnes agées »
- Article « Les résidents de l’EHPAD et leurs loisirs »